Première rencontre : l'accompagnement dans et vers l'emploi au sein des Structures d’Insertion par l’Activité Economique

La Chaire et ses partenaires, La Mutuelle Chorum, l’Union des groupements des employeurs mutualistes,l’IRUP, l’Atelier et Alternatives Economiques ont organisé leur première rencontre trimestrielle Chercheurs - Acteurs sur le thème de L’accompagnement dans et vers l’emploi au sein des Structures d’Insertion par l’Activité Economique.

Cette rencontre a été animée par Camille Dorival de la Lettre de l'Insertion par l'Activité Economique, et centrée autour de l’article publié dans la revue Travail et Emploi : Accompagnement dans et vers l’emploi : profits et pertes dans les SIAE (n°119, juillet-septembre 2009), d'Hervé Defalvard et Melaine Cervera.

Elle s'est déroulée jeudi 11 Mars de 16 heures à 18 heures 30 , à l’Atelier, 8-10 impasse Boutron, 75010 PARIS.

Bibliographie

Accompagnement dans et vers l’emploi : profits et pertes dans les Structures d’Insertion par l’Activité Économique

Melaine Cervera (*), Hervé Defalvard (**)

Travail et Emploi n° 119 • Juillet-septembre 2009

 

Compte rendu

Compte rendu de la première Rencontre Chercheurs Acteurs de la Chaire d'Economie Sociale et Solidaire de l'Université Paris-Est Marne la Vallée.

Les Rencontres chercheurs-acteurs, organisées le 11 mars dernier, ont confirmé les effets positifs de l'IAE sur les salariés en parcours. Mais aussi ses limites, du fait de l'insuffisance des moyens qui sont accordés au secteur et du peu d'emplois classiques disponibles la sortie.

Confronter les résultats d'une recherche universitaire sur l'économie sociale et solidaire (ESS) à la réalité vécue par les acteurs de terrain : telle est l'ambition des « Rencontres chercheurs-acteurs » organisées par l'Université de Marne-la Vallée dans le cadre de sa chaire dédiée à l'ESS. La toute première de ces rencontres, qui s'est tenue le 11 mars dernier, était consacrée à l'accompagnement dans les structures d'insertion par l'activité économique (SIAE). Elle faisait suite à une recherche collective menée sur ce sujet entre 2006 et 2008 [2], qui s'est appuyée sur des entretiens approfondis avec vingt salariés en parcours d'insertion et quatorze salariés permanents de SIAE [3].

Double accompagnement

Premier constat de cette recherche, l'accompagnement dans les SIAE est double : à la fois social et professionnel, mais également à la fois dans l'emploi (l'encadrant technique est chargé de contribuer à l'intégration dans l'emploi du salarié en parcours d'insertion) et vers l'emploi (le chargé d'insertion l'aide à retrouver ensuite un emploi sur le marché du travail ordinaire).

Cet accompagnement se fait dans le cadre de règles précises, qui sont en fait de deux natures. D'un côté les « règles d'en bas » : des règles de ponctualité, de discipline au travail (souvent assorties d'un système de sanctions), de technicité, d'exigence de qualité, d'apprentissage d'un métier, de responsabilisation des salariés en insertion les plus anciens. Ces règles émergent directement du terrain, sont issues des pratiques, du savoir-faire, de l'expérience vécue de l'accompagnement.

De l'autre côté, les « règles d'en haut », plus abstraites. Ce sont les règles imposées dans le cadre des politiques de l'emploi : la règle selon laquelle le passage par l'IAE est forcément temporaire, puisque celle-ci est conçue comme un sas vers l'emploi classique, la règle du suivi social et du suivi formation, la règle de l'engagement mutuel de la structure à accompagner le salarié et du salarié à accepter cet accompagnement.

Encadrants techniques et chargés d'insertion articulent ces deux types de règles, mais sur des registres différents. L'encadrant technique aura un comportement plus sévère à l'égard de ses équipes, ce qui peut s'expliquer par les objectifs de production qu'il est tenu d'atteindre : « Disons que c'est une main de fer dans un gant de velours », estime un encadrant technique de chantier d'insertion de Grande Synthe. « Nous avons à la fois un rôle de formateur et un rôle de gendarme, confirmait, lors des Rencontres chercheurs-acteurs, Frédéric Papouin, encadrant technique à Espaces, association meudonnaise qui gère 14 chantiers d'insertion. Une fois que les règles sont posées, nous devons les faire respecter. Mais nous sommes aussi là pour créer un esprit d'équipe, une cohésion entre les salariés. »

Le chargé d'insertion, lui, a une attitude généralement plus empathique : « En fait je suis là pour leur faciliter la vie », note un chargé d'insertion issu du chantier d'insertion de Grande Synthe, pour l'aider à résoudre toutes ses difficultés d'ordre social et l'accompagner vers le marché du travail classique. Mais les deux travaillent évidemment conjointement : « Les encadrants techniques doivent avoir une qualité d'écoute sur le lieu de production, pour pouvoir donner le relais au chargé d'insertion s'ils détectent une difficulté », indique Frédéric Papouin.

Les règles d'en bas, ou la valorisation de soi

Quels sont les effets sur les salariés en parcours des règles fixées au sein des SIAE ? Les règles d'en bas ont d'abord un effet de reconnaissance, de valorisation des salariés : « Ils ont le sentiment d'une reconnaissance sociale, d'une reconnaissance symbolique par le travail », souligne Melaine Cervera, doctorant en sciences économiques à l'Université de Marne-la-Vallée, qui a participé à la recherche sous la direction d'Hervé Defalvard. « Par la réalisation de quelque chose de concret, les salariés gagnent de la confiance en eux, de l'estime de soi », note Frédéric Papouin. « Par rapport à soi-même, on est fiers, on est utiles », confirme un salarié en parcours d'insertion, peintre en bâtiment, issu d'un chantier d'insertion.

Les règles d'en bas produisent également des effets d'autonomisation, de responsabilisation des salariés en parcours, du fait de l'apprentissage. « Moi, tout ça, ça me donne vraiment de l'assurance, progressivement, moi je me rends compte, il y a des choses que je fais je me dis houa, quand je suis arrivée ici j'étais sûre et certaine de ne pas pouvoir faire ce que je fais maintenant, indique ainsi une salariée en parcours dans une entreprise d'insertion (EI) de Rungis. Donc on a une très bonne formation, qui nous donne vraiment de l'assurance et puis au départ on n'est pas pressé de s'y mettre et après on en redemande encore, quoi ! »

Troisième effet, et non des moindres, produit cette fois par les deux types de règles : la rémunération salariale, qui permet de résoudre beaucoup de choses. « Le fait de ne rien faire tout au long de la journée, eh bien c'est épuisant. On perd le rythme. On a des soucis d'ordre financier. Il y a des problèmes, quand on n'a pas de rentrée régulière d'argent, ça, ça pose problème. Donc, du fait qu'il y ait un certain rythme, ça aide beaucoup à s'organiser par rapport au temps, le timing… Et ça remonte le moral et ça donne une assurance en soi », estime un salarié de l'EI de Rungis.

Les « règles d'en haut » permettent aussi une résolution des problématiques sociales : « par la mise au travail, les problèmes sociaux peuvent être abordés et résolus, ce qui en retour améliore l'intégration au travail, amorçant le cercle vertueux de l'insertion », note Melaine Cervera.

La peur de l'après-SIAE

Enfin, les règles d'en haut peuvent avoir un effet sur le retour à l'emploi. Mais c'est là que le bât blesse : l'accès à l'emploi durable étant en réalité mal assuré, beaucoup de salariés en parcours craignent la sortie de la SIAE. Ils ont peur de se retrouver dans la même situation qu'avant leur passage par la structure : « Oui, pour moi, je pense qu'il y aura toujours des problèmes. Par exemple, si je n'ai plus de travail, si au bout de mon contrat de deux ans je n'ai plus rien, je vais encore me retrouver au RMI et puis d'abord au chômage, donc si je n'ai plus de travail, au niveau du transport, si je n'ai pas d'argent, je ne pourrai pas aller à droite à gauche, je ne pourrai pas faire grand chose.», souligne ainsi une salariée d'EI, blanchisseuse.

C'est ce qu'exprimait aussi Désirée Zérignon lors des rencontres chercheurs-acteurs. Elle a passé deux ans dans une EI, puis a effectué des missions pour une association intermédiaire, avant d'obtenir un CDD en restauration collective : « si mon CDD n'est pas reconduit, je vais me retrouver au chômage et je ne sais pas trop à qui je devrai m'adresser. C'est fatigant de toujours faire des allers-retours entre emploi et chômage… » « C'est le paradoxe de l'IAE, réagissait alors Sonia Bitton, déléguée régionale adjointe de l'UREI Ile-de-France. Nous mettons le salarié dans un cocon rassurant, au sein d'une famille, pendant deux ans. Mais il n'aura plus ce cocon après, et la chute peut être rude ! »

Du côté des chargés d'insertion, de même, ces difficultés créent un certain désenchantement, note Melaine Cervera, voire un découragement, devant l'insuffisance du nombre d'emplois disponibles et l'impossibilité de trouver des solutions satisfaisantes pour tous les salariés en parcours.

Que faire face à ce constat ? Les préconisations des chercheurs sont multiples : préparer les entreprises classiques à intégrer en leur sein des salariés passés par l'IAE ; assurer un suivi du salarié après la sortie (mais doit-il relever de la SIAE ou, le cas échéant, être de la responsabilité de l'entreprise qui l'a embauché ?), créer des contrats d'insertion plus durables, voire des CDI dans certains cas, comme le font par exemple les entreprises Le Relais. Cette dernière proposition ne fait pas l'unanimité au sein de l'IAE : « Ne risque-t-on pas de condamner le salarié à être en insertion à perpétuité, interroge Sonia Bitton. Par ailleurs, plus le contrat est long, plus les gens sont susceptibles d'être fragiles à la sortie : du coup, cela ne revient-il pas à reculer pour mieux sauter ? »

Ces pistes méritent encore être débattues. Néanmoins, il est certain que tant que l'emploi fera défaut, et tant que les pouvoirs publics n'accorderont pas aux SIAE les moyens qu'elles méritent, la situation du secteur risque de rester particulièrement tendue

Compte rendu par Camille Dorival et publié dans la Lettre de l'Insertion par l'Activité Economique